Solide représentante du cinéma social britannique, Andrea Arnold a installé l’intrigue de ses deux premiers films au cœur de la banlieue pour y dépeindre sa détresse. Red Road (2006) et Fish Tank (2009) décrochaient chacun le Prix du Jury au Festival de Cannes. La cinéaste évoque son rapport au cinéma.
Quel est votre premier souvenir de cinéma ?
Mary Poppins.
J’avais environ cinq ans et je n’avais jamais été au cinéma. Je suis
sortie de la séance complètement anéantie, en colère contre ce monde
réel dépourvu de magie. Je me souviens avoir beaucoup pleuré à cause de
Mary Poppins. Si le film n’a jamais influencé mon travail, il a profondément marqué mon enfance.
Avez-vous un film culte ?
Je ne suis pas du genre à regarder un film en boucle, mais j’adore Stalker, d’Andreï Tarkovski. Le film se situe aux antipodes de Mary Poppins,
mais il nous embarque aussi vers un univers empreint de magie. Là
réside toute la force du cinéma : réussir à nous transporter, quelles
que soient ses racines.
Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir réalisatrice ?
J’ai
toujours aimé explorer et composer. D’une façon ou d’une autre, la vie
m’aurait inévitablement rapproché du cinéma. Il correspond à ma façon
de penser et de faire les choses. Ma tête a toujours été pleine d’idées
de films.
Le cinéma contribue-t-il à changer les choses selon vous ?
Dans
mon cœur, c’est certain. Mais ce n’est jamais mon objectif lorsque je
débute un film car je n’aime pas que le public soit guidé. Je crois
sincèrement qu’en expliquant vraiment les choses, le changement est
possible. Je suis toujours influencée par les films que je vois, en bien
ou en mal. Il y a quelque chose dans le cinéma qui nous laisse penser
qu’il peut changer les choses.
Pensez-vous qu’il soit plus facile de traiter de certains sujets difficiles au travers de la fiction et du cinéma ?
Le
cinéma est l’un des moyens les plus importants qui nous soient donnés
pour aborder la vie et l’être humain. J’attache beaucoup d’importance
aux films qui ont cette priorité et j’aime quand ils réussissent à
attirer l’attention sur ces sujets difficiles. Le problème, c’est que
la majeure partie du public veut du divertissement.
Quelle est votre opinion sur le cinéma britannique ?
Il traverse des heures difficiles car il a trop longtemps tenté d’imiter
le cinéma américain. Nous autres, cinéastes britanniques, éprouvons des
difficultés à trouver notre identité. Les réalisateurs français n’ont
pas cette obligation de penser un film en fonction de son accueil aux
Etats-Unis. La conséquence est que beaucoup de bons films britanniques
ne sont jamais distribués. D’autre part, peu de réalisateurs montrent
ce que signifie vivre en Grande-Bretagne. Il faut donner plus d’argent
aux films qui essaient réellement de refléter notre culture.
Vous accordez une place importante à l’instinct dans votre processus de travail. Pourquoi ?
Le
cinéma laisse beaucoup de place à l’instinct. C’est souvent le
meilleur moyen de prendre les bonnes décisions, celles qui vous
permettent d’arriver au plus près de la vérité. Un film demande un
investissement tel qu’il est parfois néfaste de trop réfléchir.
23.05.2012 | Croisette's blog
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