Un génie absolu de la musique nous quitte aujourd’hui.
Son nom le prédestinait à devenir cet incroyable artiste, véritable touche à tout : compositeur, orchestrateur, pianiste, chanteur, … Michel Legrand avait une soif créatrice insatiable.
Fils d’un compositeur, il est à peine âgé de 10 ans quand il intègre en 1942 le Conservatoire National Supérieur de Paris. Sa curiosité et son envie d’apprendre n’ont absolument aucune limite, le piano, les cuivres, tout le passionne et le garçon assiste à une multitude de cours. La découverte du jazz est l’un de ses premiers chocs émotionnels, mais la variété et le rock sont autant de genres qui le fascinent et qui lui donnent envie d’explorer.
C’est finalement dans le music-hall qu’il commence sa carrière, à l’âge de 20 ans, auprès de Henri Salvador, Zizi Jeanmaire, Maurice Chevalier. Il gagne aux États-Unis un immense succès avec un premier disque, I love Paris, qui reprend des grands standards dédiés au romantisme de Paris. Un succès qui lui permet de réunir quatre ans plus tard autour d’un autre disque les plus grands maîtres du jazz moderne : Miles Davis, John Coltrane, Bill Evans, …
Mais bien vite, le cinéma l’appelle : la Nouvelle Vague est en train de naître, emmenée par de mythiques réalisateurs chez qui il reconnaît un même désir de création. Il compose pour Jean-Luc Godard la bande originale de Une femme est une femme, Vivre sa vie ou encore Bande à part ; pour Agnès Varda, Cléo de 5 à 7 ; et puis, pour celui avec qui la symbiose est totale, Jacques Demy. Michel Legrand devient son égal dans la création de neuf chefs-d’œuvre. Ensemble, ils réinventent le genre de la comédie musicale à la Française : Les Parapluies de Cherbourg, palme d’Or à Cannes, Les Demoiselles de Rochefort ou encore Peau d’âne, sont aujourd’hui autant d’inestimables classiques du cinéma que des classiques de la musique de film.
Le talent de Michel Legrand est reconnu mondialement, et c’est en toute logique qu’Hollywood est également conquis dès la fin des années 60 : il compose pour Sydney Pollack, Orson Welles, et surtout la prodigieuse musique de L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison, dont la chanson The Windmills of Your Mind (Les Moulins de mon cœur) lui permet de décrocher son premier Oscar en 1969. Deux autres lui sont décernés : en 1972 l’Oscar de la Meilleure musique de film pour Un été 42 de Robert Mulligan, et en 1984 l’Oscar de la Meilleure adaptation musicale pour Yentl de Barbra Streisand.
En France, il est aussi une figure emblématique des César. Membre fondateur de l’Académie, il accompagne derrière son clavier plusieurs Cérémonies absolument mémorables, comme ce fameux soir de 1982 lors de la 7e Cérémonie des César lorsque, accompagné de Jacques Martin sur la scène de la Salle Pleyel, les illustres invités du premier rang ont chanté, les uns après les autres, au rythme de son piano : Yves Montand, Catherine Deneuve, Simone Signoret, Michel Piccoli, Isabelle Adjani, ou encore Gérard Depardieu.
Trois César de la Meilleure Musique lui ont été décernés : en 1981 pour Atlantic City ; en 1982 pour Les Uns et les Autres, en collaboration avec un autre immense compositeur qui nous a quittés il y a peu, Francis Lai ; puis en 1985 pour Paroles et Musique.
Il a réalisé sa dernière composition en 2017, pour le film de Xavier Beauvois, Les Gardiennes.
Michel Legrand était cet homme qui donnait sa vie à chaque fois qu’il jouait. Son inspiration, il la puisait à travers les comédiennes et comédiens, leur visage, leur talent, leurs faiblesses.
"Si je n’écris pas, si je ne joue pas, ma vie n’a plus de sens". Sa vie était littéralement dédiée à la musique. Il était un inégalable compositeur, un géant, un génie, qui nous laisse une œuvre absolument monumentale et des mélodies absolument inoubliables.
L’une de nos plus merveilleuses étoiles a rejoint le ciel.
Adieu cher Michel, "Nous ne pourrons jamais vivre sans toi" ...
Alain Terzian
Président de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma
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