Les frères Larrieu viennent présenter UN HOMME, UN VRAI, dans le cadre du « BACKWASH: THE CUTTING EDGE OF FRENCH CINEMA ». Je les avais rencontré en 2008 à Cannes, au Jimmy’s, mais je confesse que je ne m’étais pas trop attardée en leur compagnie, tout occupée que j’étais à chasser du gros gibier (…). Quelle erreur : je réalise aujourd’hui combien ils sont sympathiques ! Cette fois-ci, dans un salon du Maria Cristina, j’ai bien tendu l’oreille, toute curieuse de savoir ce que ces inséparables allaient me raconter. En voici un résumé…
CR : Vous n’êtes visiblement pas jumeaux. Est-ce l’ainé qui a ouvert le chemin vers le cinéma ou bien avez-vous été pris de passion pour le 7ème art à la même époque ?
L : Vous savez, nous n’avons qu’un an d’écart. On a commencé en même temps, à l’adolescence, avec des caméras super 8. Chacun réalisait ses courts métrages avec le concours de l’autre. Ensuite le Parc National des Pyrénées nous a passé des commandes de films documentaires, qu’on a réalisé ensemble.
CR : Revendiquez-vous vos origines du sud-ouest, vous considérez-vous régionalistes ?
L : pas du tout ! Si on a tant tourné dans les Pyrénées, c’était par nécessité économique et par facilité. On avait de vastes décors extérieurs à portée de main (on préfère les décors extérieurs qui ont de l’ampleur). En plus les Pyrénées ont été peu filmées, donc on sortait des sentiers battus. Et puis, comme on connaissait bien les lieux, on gagnait du temps en repérages ! Mais attention, on ne recherchait pas des décors familiers : on cherchait le dépaysement…
CR : À propos de dépaysement, aimez-vous travailler avec des acteurs non professionnels ? Vous surprennent-ils davantage ?
L : On tournait avec des non professionnels quand on débutait, parce que les seuls comédiens auxquels on avait accès jouaient mal et en plus nous intimidaient, nous qui n’avions pas l’habitude de diriger des acteurs. Mais ensuite, quand on a été en mesure de tourner avec de bons comédiens professionnels, on ne s’en est pas privé. Ca permet le financement des films. Et puis les acteurs populaires peuvent servir de passerelle pour amener le grand public sur des terrains sur lesquels ils ne s’aventureraient pas si c’était des acteurs inconnus qui jouaient…
CR : Oui, vous avez vos chouchous, comme Sabine Azéma , et surtout Mathieu Amalric, qui est d’ailleurs le chouchou de toute la Nouvelle Vague française, comme en témoigne son omniprésence dans les films sélectionnés pour le BACKWASH: THE CUTTING EDGE OF FRENCH CINEMA . L : Oui, mais il le mérite car c’est non seulement un très bon acteur, mais aussi un excellent camarade. Comme il est aussi réalisateur, beaucoup de réalisateurs peuvent s’identifier à lui. D’autant plus qu’il ne cherche pas à impressionner, à « se la péter ». Et surtout, il réfléchit beaucoup avant de jouer, et ensuite au moment de jouer, il fonctionne à l’instinct. De tous les acteurs français, c’est certainement le plus intelligent et le plus impliqué dans la création de son personnage. Aucunement passif. CR : Vous recherchez donc une véritable collaboration avec vos acteurs.
Les acteurs ont pris de plus en plus d’importance dans la fabrication de nos films. Avant, quand on tournait un plan, on l’envisageait à partir du cadre voulu : on cherchait des images et on se plaçait en fonction d’elles. Aujourd’hui, on part des comédiens : on répète avec eux, et c’est en fonction de ce qu’on trouve avec eux qu’on positionne notre caméra et nos éclairages…
Même au niveau de l’écriture, les acteurs peuvent avoir du poids. Ils nous arrivent d’écrire un scénario sur mesure pour un acteur. Par exemple pour Azéma et Dussolier dans le Voyage aux Pyrénées. Sauf que Dussolier n’a pas pu faire le film et on l’a remplacé par Daroussin. On a essayé d’adapter le rôle à notre nouvel interprète, mais pas suffisamment, peut-on dire avec le recul…
CR : Je vois que vous êtes capable d’autocritique ! Mais vous critiquez-vous aussi parfois l’un l’autre et cela mène-t-il à des tensions, des divergences, des discordes ?
L : Non, on fait tout ensemble et on s’est toujours bien entendu. On écrit à deux, on réalise à deux. Arnaud s’occupe du cadre et par conséquent Jean-Marie passe plus de temps près des acteurs, mais on cherche toujours nos plans ensemble. Et parce qu’on est deux, on peut plus facilement imposer le temps de la recherche à l’équipe. Bien sûr, le temps est compté sur un tournage, mais en se donnant le temps que naisse le désir d’un plan, on gagne beaucoup de temps par la suite.
CR : Et même pour vos sujets d’inspiration, vous nourrissez les mêmes désirs ?
L : C’est facile de s’entendre sur un thème ou une idée de départ. Après, c’est sur la manière de raconter que tout se joue et qu’il n’est pas facile de s’entendre. Pour nous, ça marche, et on a bien l’intention de poursuivre à deux !
Cécile Rittweger