Troisième édition du Festival International du Film de Lyon : un festival engagé

Depuis trois ans, Lug Cinéma présente à Lyon et dans son agglomération un festival international du film différent, basé sur la découverte, la rencontre, les échanges. Du 29 septembre au 12 octobre 2008, alors qu’il atteint son équilibre financier, le festival se remet en cause et évolue pour apporter encore plus efficacement son regard sur le monde en général et le cinéma en particulier.

Historique. Après le succès du très second degré Festival International du Zombie en juin dernier (séances complètes, Zombie Day suivi par un public enthousiaste), Lug Cinéma se lance dans la production de la troisième édition de Hors-Ecran. Une édition 2008 qui sera symbolique de l’évolution de l’histoire du festival.
En 2006, Lug Cinéma créait l’événement avec la création du premier Festival International de cinéma d’auteur et indépendant à Lyon. Dès cette première édition, 5 continents et 14 pays étaient représentés dans un panorama de 20 films. La seconde édition du festival, en octobre 2007, a vu la création d’une délocalisation du festival et d’une section court métrage s’ajouter au désormais habituel panorama compétitif. En octobre 2008, le comité d’organisation a décidé d’ajouter en plus de ces 20 premières françaises une nouvelle section thématique, portant à 30 le nombre de longs métrages projetés. Cette nouvelle section nommée « Sabotage ! », explore l’histoire du 20e siècle à travers les guerres et actions secrètes. Une représentation de la réalité historique en ligne droite avec le reste de la programmation, centrée autour du thème de la réalité. Des journées de screenings professionnels seront également organisées.

La réalité. Le président et directeur artistique du Festival, Luc Martinon, explique comment il travaille sur la programmation.
« Nous avons toujours choisi les films de façon à créer une symbiose, qu’ils se répondent entre eux. 2006 était l’année du choc des cultures, avec des films de rencontres, des films de lutte, tout à fait emblématiques du vécu de la création d’un nouvel événement. C’était une programmation presque intime dans ses choix. Quand L’Eveil de Maximo Oliveros a été primé par le public, ça nous a indiqué la ligne qui devait guider de la seconde édition, celle du questionnement de l’identité, puisque c’est le thème du film. Et de la même façon, en 2007, c’est un documentaire formidable, The Cats of Mirikitani, qui a été primé, et qui nous a guidé pour travailler sur l’édition 2008 : nous portons notre réflexion sur la représentation de la réalité. Ainsi, ce sont les spectateurs de l’édition précédente qui déterminent indirectement le contenu de l’édition suivante ! Plus que les films, ce sont à présent les éditions du festival qui se répondent entre elles. L’interactivité et la convivialité poussée au maximum. »
Défrichage. Avec évidemment, toujours la même volonté de défricher. La section compétitive sera toujours consacrée à 20 films inédits en exclusivité soumis au vote du public, en présence des équipes de films. « L’année dernière, nous étions ravis de faire les avants premières de films avec Emile Hirsch, Sigourney Weaver, Elijah Wood, Sharon Stone… Mais c’est définitivement les artistes moins connus que nous voulons proposer au public lyonnais de rencontrer. Le cinéaste indépendant, le créateur, est passionnant, et nous pouvons, à notre échelle, interpeller le spectateur sur le « bon goût » en matière cinématographique. Aime-t-on le film parce qu’il y a une star à l’intérieur, ou parce qu’il propose quelque chose de neuf ? »
Des stars, bien sûr, il y en aura, grâce à une liste d’avant-premières encore confidentielle. Mais les fleurons de l’édition seront aussi à aller chercher, donc, du coté des inconnus. Voici deux exemples parmi les premiers sélectionnés.

Chrigu de Jan Gassman & Christian Ziörjen ( Suisse, www.chrigufilm.com)

Chris est malade. Chris est étudiant en cinéma, alors il filme sa maladie. La rémission, la fête, la vie. Et puis Chris filme la reprise de son cancer.
Cloverfield, Rec, Diary of the dead… La mode fait déferler sur nos écrans des films tournés de façon réaliste, présentés comme réflexion sur l’image, le voyeurisme, la télé réalité. Chrigu, primé à Berlin en 2008 et diffusé aux journées ACID de Cannes, nous emmène bien plus loin. Ni fiction, ni documentaire, à travers une mise en scène et un montage extrêmement étudiés, Chrigu pose de vraies questions d’éthique et de cinéma liées à la problématique des nouveaux média, de la génération you tube. Humble, humain, et incroyablement déroutant.


Klass de Ilmar Raag (Estonie, www.klassifilm.com)
Klass filme la montée de la violence dans une classe d’ados remontés, au sein d’un collège : de molestage en molestage, une guerre rangée s’organise contre deux élèves. Jusqu’au drame final, qui renverra le spectateur à celui de Columbine. Laurent Cantet n’a qu’à bien se tenir, Klass (qui partage avec Entre les murs le même titre anglais) nous emmène en Estonie à la rencontre d’un cousin de Gus Van Sant (on pense à Elephant) et de Larry Clark (Bully). On reconnaîtra, donc, dans The Class, les mêmes adolescents maladroits, mal à l’aise, violents, et cruels. The Class est un film fin et sans concession sur le malaise adolescent, qui se fait reflet de la société (xénophobie, humiliation…). Il se déroule sans temps mort et laisse le spectateur KO. Best European Film Europa Cinemas. Assurément l’un des films chocs de l’édition 2008.

Animations. Evidemment, les animations ne sont pas en reste. Comme l’année dernière, un grand concert et des projections de longs et de courts métrages dans des lieux surprenants auront lieu. Mais c’est aussi la déjà fameuse séance de clôture du festival qui proposera, après Fast Food Nation en 2006 et Day Zero en 2007, un film engagé qui présente un autre regard sur le monde contemporain. Ce sera aussi la Grande Fête du 10 000ème, qui proposera de fêter de façon décalée le 10 000e spectateur du festival. Et enfin ce sera également les séances jeunesses sur le thème « Conte des autres pays », qui mélangeront spectacle vivant (conteurs) et cinéma.

Politique. En marge de ces questions artistiques qui portent l’équipe du festival depuis ses débuts, les questions politiques se font de plus en plus pressantes. En effet, lors de nombreuses rencontres ou échanges avec les élus et responsables administratifs en charge de la culture des collectivités locales, nous avons du faire face à un certain attentisme, voire à un attentisme certain. Peu de décisions sont prises pour soutenir les dynamiques déjà existantes, dont le festival Hors Ecran est un vigoureux représentant puisqu’il accueillera en octobre prochain son 10 000ème spectateur. Inquiétant.
Plus préoccupante encore est l’assimilation de la création de l’événement de l’Institut Lumière avec le traitement de tous les problèmes de fonds de la filière cinématographique et audiovisuelle à Lyon. Alors que de nombreux éléments devraient être traités en urgence (mise en place du financement des équipements numériques, réfection de certaines salles, dynamisation des pôles professionnels…), nos interlocuteurs semblent plus se préoccuper du fameux événement que d’établir une politique de soutien et rénovation de la filière.