Cela fait maintenant vingt-cinq ans que la ville de Clermont-Ferrand,
- autrefois choisie par Eric Rohmer comme décor de l'un de ses plus beaux films,
Ma Nuit chez Maud - est devenue la capitale mondiale du court-métrage.Tous
les ans, se reproduit là-bas un véritable miracle, artistique, public, et professionnel.
La révélation de nouveaux talents sur les écrans, leur rencontre avec des producteurs
capables de les détecter et de les aider à passer du court au long, et le plaisir
de vrais spectateurs qui viennent prendre un bain de jouvence quotidien en enchaînant
souvent de vrais bijoux.
Quelques chiffres suffisent à donner l'importance de la manifestation. Sur ce
thème, c'est le festival le plus important au monde, et en France, Clermont-Ferrand
qui a attiré l'an dernier 2000 personnalités du métier et 125 000 spectateurs,
se révèle être le second festival après celui de Cannes.
Le volume de la production de courts-métrages est aussi significatif du renouveau
de cette création sans laquelle bien des gloires d'aujourd'hui ne seraient pas
ce qu'elles sont : de 300 titres par an, on est passé pratiquement au double,
avec 600 films soumis aux différents comités de sélection. Le CNC, les aides
locales et les co-productions des chaînes de télévision thématiques ou hertziennes
sont les principales sources de financement de cette économie légère en comparaison
avec celle du long-métrage, mais souvent lourde pour un jeune qui ne sait pas
toujours comment effectuer l'indispensable parcours du combattant pour que son
script devienne réalité.
Il y eut aussi les défricheurs qui ont su plus tôt que les autres prendre la
route de Clermont-Ferrand pour apprécier la température du jeune cinéma en train
de renaître. Souvenons-nous des découvertes qu'ont pu faire il y a une quinzaine
d' années à Clermont les fondateurs de Lazennec Productions, Alain Rocca, Adeline
Lecallier ou Christophe Rossignon, en pointant le doigt sur des Eric Rochant,
des Mathieu Kassovitz, Tran An Hung ou autres Christian Vincent. En traduisant
des coups d'essai en coups de maîtres, ils ont contribué comme beaucoup d'autres
à donner du sang neuf à un cinéma français qui s'asphyxiait vers la fin des
années 80. C'est le moyen métrage La Vie des Morts qui a révélé au reste
du monde les dons immenses du futur réalisateur de La Sentinelle, Arnaud Desplechin.
Les exemples sont légion. Les chaînes de télévision et leurs filiales cinéma
l'ont bien compris, qui occupent désormais le haut du pavé à Clermont, pour
être certaines de ne pas laisser passer un petit génie : Canal Plus a eu dans
ce domaine un rôle d'accélérateur, et l'on voit aujourd'hui les chaînes cinémas
de TPS lui emboîter le pas en assurant un financement et une diffusion qui étaient
beaucoup plus aléatoires il y a dix ans.
Il y a encore les comédiens, qui sur de fréquents coups de cœur, oublient notoriété
et cachet pour offrir gratuitement leur nom et leur poids afin de permettre
à un court de se monter, le talent d'un nom reconnu favorisant le montage d'un
projet : faut-il citer Vanessa Paradis, Guillaume Canet, Vincent Elbaz, François
Berléand, Isabelle Carré, Yolande Moreau, parmi tant d'autres…
En revanche, il ne faut pas encore compter - sauf exception ( Luc Besson, Francis
Veber actuellement ) - sur les réalisateurs et les salles pour accrocher un
" court " devant le " long " faute de place et de temps, la pub et les bandes
annonces étant prioritaires. C'est dommage. Peut-être la technologie numérique
et sa souplesse donneront-elles une deuxième vie aux courts métrages dans les
multiplexes d'ici quelques années. 60 courts-métrages français contre 76 internationaux
ont été projetés l'année dernière à Clermont-Ferrand, avec une durée de plus en plus
longue, les moyens-métrages étant très prisés depuis Podalydès ou Desplechin.
Michel Pascal