A propos du film:
Réalisé par Jacques Audiard, lauréat du Prix du Meilleur scénario pour Un héros très discret en 1996, Un Prophète est le premier film français à entrer en Compétition. Son héros est un jeune homme d’origine maghrébine qui, condamné à six ans de prison, s’endurcit au contact d’un groupe de détenus corses et apprend peu à peu à développer son propre réseau d’influence… Pour mettre en scène l’histoire de ce parcours criminel, le cinéaste récompensé aux César pour De battre mon cœur s’est arrêté s’est entre autres basé sur le travail scénaristique d’Abdel Raouf Dafri, à qui l’on doit l’écriture du dyptique biographique Mesrine et de la série La Commune. Série qui a d’ailleurs révélé Tahar Rahim, acteur principal de ce film.
Conférence de presse:
A l’occasion de la présentation en Compétition de Un Prophète, le
réalisateur Jacques Audiard, les acteurs Tahar Rahim et Niels Arestrup,
les scénaristes Thomas Bidegain, Nicolas Peufaillit et Abdel Raouf
Dafri ainsi que les producteurs Pascal Caucheteux et Marco Cherqui ont
répondu aux questions des journalistes. Extraits choisis.
Jacques Audiard sur son intérêt pour le milieu corse et le titre du film :
"Je n’ai pas voulu me lancer dans une analyse culturelle et
sociologique du milieu corse. Ce qui m’intéressait, c’est qu’il
s’agisse d’un milieu mafieux socialement constitué et très présent dans
le milieu carcéral, les Corses restent en groupe. Il aurait tout aussi
bien pu s’agir de Serbes ou de Basques. Ce qui m’intéressait vraiment,
c’est qu’on traite d’une entité assez close, difficile à pénétrer. Mais
nous restons quand même très légers sur le traitement du milieu corse.
Et puis, il y avait aussi cette idée d’un milieu un peu vieillissant,
dont les structures sont vermoulues, et qui doit faire face à
l’émergence d’une nouvelle génération dépositaire d’une autre langue et
d’autres manières. Dans le titre Un Prophète, on pense à une injonction
religieuse, mais il y a aussi quelque chose d’ironique. "Le Prophète",
c’est aussi celui qui annonce un autre type de criminel. Tahar incarne
un criminel qui n’est pas forcément un psychopathe, mais un être
intelligent et angélique. Il y a l’annonce de cette chose-là."
Tahar Rahim sur son approche du personnage :
"J’ai beaucoup travaillé à partir de documentaires et de films sur le
milieu carcéral et les SDF, mais j’ai compris très vite qu’il ne
fallait pas que je me base entièrement là-dessus. Il a fallu tout
construire, partir de rien pour vraiment créer un personnage. Là était
toute la difficulté. C’était un véritable travail de composition."
Jacques Audiard sur le réalisme de son film :
"Quand on aborde en France un film sur la prison, on doit faire face à
deux obstacles, le premier, c’est le documentaire. Je ne voulais pas
faire un film qui tende vers le fait de société, cet angle-là ne
m’intéressait pas. Et l’autre obstacle, c’est l’influence de l’image de
la prison véhiculée par les séries américaines. Là, on tombe dans des
stéréotypes qui ne nous appartiennent pas. Et puis, en France, on a
souvent en tête un modèle de prison façon José Giovanni. Mais ça
n’était pas assez contemporain pour nous. Comme on ne pouvait pas
tourner dans des prisons aujourd’hui en activité, on a dû construire un
décor. Ca a été une étape très importante pour nous, car le film a
commencé à apparaître avec le décor de Michel Barthélémy. A ce
moment-là, on a vu une prison apparaître devant nous dans une zone
industrielle de Gennevilliers. Ce n’était pas un décor constitué en
studio, on a dû le fabriquer en dur. Et quand tous les matins vous
allez en taule, et bien le réalisme il est là."
Niels Arestrup sur la maîtrise de la langue corse et l’approche de son personnage :
"La langue corse, c’était très loin de moi. Quand on s’est rencontré
avec Jacques, je lui ai demandé s’il était sûr de vouloir me confier ce
rôle compte tenu de mes origines. J’ai beaucoup travaillé avec un coach
pendant plusieurs mois. Il ne fallait pas seulement que j’arrive à dire
les mots, mais il fallait aussi faire sentir la musique de la langue,
me sentir un peu plus libre par rapport à ça. Je me suis laissé
diriger, accompagner, entraîner par Jacques Audiard avec qui j’avais eu
la chance de travailler une première fois. Ca a été une expérience
heureuse, difficile, dure, complexe, hésitante parfois, mais pour moi,
ça reste une expérience extraordinaire en tant qu’interprète. C’est un
immense directeur d’acteurs."