A propos du film:
Troisième film français en lice pour la Palme d’Or, A l’Origine marque le retour à Cannes de Xavier Giannoli trois ans après la présentation en Compétition de Quand j’étais chanteur et onze ans après la Palme d'Or du court métrage qu’il s’était vu remettre pour L’Interview. Pour ce nouveau long métrage, un drame dont l’action se situe dans le Nord de la France, le cinéaste s’est inspiré d’un fait divers : l’histoire d’un escroc qui s’est fait passer pour un chef de chantier et qui a construit une autoroute en toute illégalité.
Ici, cet escroc est incarné par François Cluzet que Xavier Giannoli avait dirigé il y a une dizaine d’années dans un court intitulé Dialogue au sommet. "J’ai pensé à lui pour ce rôle, parce qu’il n’avait jamais joué ce genre de personnage, raconte le réalisateur. Il y avait donc quelque chose d’inconnu à conquérir. Or, dans cette histoire d’imposture, il était question de ce que l’on risque en jouant à être quelqu’un d’autre. Il y avait donc une zone de contact évidente entre ce qu’est le travail d’un comédien et le mensonge du personnage, entre la comédie sociale et la vérité humaine. Ça s’est donc passé comme ça, en équilibre instable sur cette frontière à haut risque, sur une faille identitaire. C’est un rôle difficile, tumultueux, traversé par des émotions contradictoires." Aux côtés de François Cluzet, on retrouve Emmanuelle Devos, que l’on a pu voir hier dans Herbes folles d’Alain Resnais, et Gérard Depardieu, qui avait déjà collaboré avec Xavier Giannoli sur Quand j’étais chanteur en 2006.
Quant aux conditions de tournage, elles ont été rendues difficiles par la construction d’un véritable tronçon d’autoroute en hiver. "Tous les problèmes météorologiques, financiers, humains ou techniques nous faisaient rentrer un peu plus chaque jour dans la peau du personnage, poursuit Xavier Giannoli. Au fond, j’avais la chance, pour réaliser mon film, de devoir affronter les mêmes épreuves que lui pour construire sa route. De nuit, un chantier d’autoroute ressemble d’ailleurs étrangement à un tournage."
Conférence de presse:
Accompagné de ses comédiens François Cluzet, Soko, Emmanuelle Devos et Vincent Rottiers, du directeur de la photographie Glynn Speeckaert et des producteurs Pierre-Ange Le Pogam et Edouard Weil, le réalisateur français Xavier Giannoli s’est entretenu avec la presse internationale au sujet de son nouveau long métrage A l’Origine, présenté en Compétition. Morceaux choisis.
Xavier Giannoli sur le choix de la durée du film :
"Au départ, j’ai lu un fait divers qui faisait trois lignes, puis deux, trois autres choses très intéressantes que des gens avaient écrites à ce sujet, j’ai rencontré un juge d’instruction qui m’a fait rencontrer l’homme en question, on a fait une enquête, j’ai accumulé un matériel romanesque énorme tant sur le plan humain que sur le plan technique. Ce qui m’intéressait, c’était de dépasser l’anecdote. Je crois à la fiction et au romanesque. Donc, avec tout ce que j’avais amassé comme documentation, j’ai écrit sans penser à la durée. En revanche, je pensais à la nécessité de ce qu’il fallait raconter, il fallait faire en sorte que tout cela vive et que ce soit fort, que ça donne l’impression d’un vertige. Et au bout d’un moment, je me suis rendu compte que le film allait être long, parce que le scénario était long. Dans ces cas-là, la question que l’on se pose est une question économique, commerciale. Est-ce qu’on prend le risque de faire un film de 2h30, et bien oui on prend le risque, un risque considérable, énorme et qui vous met la barre très haute sur les devoirs que va avoir le film. On espère alors que le film ait l’intensité nécessaire pour faire oublier la durée. Un artiste qui fait un film de 2h30, c’est quelque part un acte de liberté."
François Cluzet sur la préparation à son rôle :
"Il y a eu beaucoup de travail avec le metteur en scène. Quand j’ai lu le scénario, j’avais l’impression, et ça s’est confirmé par la suite, qu’on avait affaire à un script excessivement puissant. C’était donc pour nous les acteurs une partition de très haute qualité, qui exigeait évidemment beaucoup de travail. J’ai d’abord réfléchi au désoeuvrement de cet homme, qu’est-ce qu’il y a de pire que d’être désoeuvré, quels sont les dangers qui se présentent à vous... Ensuite, je n’ai fait qu’écouter mon metteur en scène qui en savait bien plus que moi sur le personnage. J’ai aussi eu la chance d’avoir des partenaires chez qui j’ai trouvé ma partition. Ce qui correspond bien à ma façon de faire. J’aime essayer de jouer en face d’un partenaire, j’ai l’impression que tout mon rôle existe, notamment dans les scènes avec Emmanuelle. J’ai beaucoup apprécié tous les acteurs sur ce film, ils ont été très loyaux, mais j’ai eu un coup de foudre d’acteur particulier pour Emmanuelle, parce que j’avais le sentiment dans ce moment si précieux de ma rencontre avec elle qu’elle me permettait tout de suite de croire à la bonne manière de s’échapper de cet enfer, comme si ce désoeuvré devenait estimable, aimable dès lors qu’elle s’offrait à lui, j’avais le sentiment que c’était un peu le nœud de l’histoire."
Xavier Giannoli sur le rapport du film à l’actualité :
"Je ne crois pas vraiment aux films d’actualité. Quand je suis face au destin d’un homme comme ça, la question que je me pose, c’est est-ce qu’il y a une vérité humaine, originale et intéressante dans la vie de cet homme, est-ce qu’il y a quelque chose qu’on n’a pas montré, qu’on n’a pas vu, qui va être pour le spectateur une aventure. A partir du moment où il y a cette vérité humaine-là, il n’y a plus de problème d’actualité. Ca dépasse ce simple cadre. Ce qu’on espère quand on traite d’un fait divers, c’est qu’il y ait un mouvement qui emporte le fait divers loin de l’actualité."
Xavier Giannoli sur l’importance d’être à Cannes :
"Cannes, c’est le plus bel écran du monde, c’est le plus grand festival d’art au monde, dont la cote, le prestige sont inouïs. Et en plus, nous sommes en France, au centre de l’art et du monde. C’est une fête, un honneur, une responsabilité. Quelle chance quoi ! Il y a beaucoup de metteurs en scène que j’admire et qui sont là en Compétition avec nous, c’est inouï. Les palmarès sont soumis à la subjectivité d’un Jury, ça a quelque chose de magique et aussi d’injuste, ce qui fait que c’est extraordinaire. Il faut savoir s’incliner devant les décisions que prend le Jury."
Emmanuelle Devos sur les différences Resnais / Giannoli :
"C’est difficile de parler de leurs différences. Je préfère parler de leurs points communs, ce sont des gens intelligents et passionnés, et chacun à sa façon, ils aiment plus que tout le cinéma."